Chapitre 1

 (TOUT OMM CE L OMM / TOUT MOUN CE MOUN) 

VERS HAITI CHERIE, UNE NOUVELLE HAITI 

Une Analyse des Causes de la Situation Actuelle en Haïti et un Moyen d’en Sortir 

AOUT – NOVEMBRE 2022 – Actualisé le 11 janvier et le 29 octobre 2023 
Par Georges-Michel Celcis 

Chapitre 1

La Situation Actuelle


Haïti est déchirée dans une situation épouvantable dans l’indifférence inexplicable de ses élites et de la communauté internationale. Deux interventions majeures sous le couvert de l’Organisation des Nations Unies (ONU) après le lancement unilatéral des Etats Unis d’Amérique pour le rétablissement de la démocratie, ont laissé le pays encore plus affaibli et divisé. Ces interventions directes dont le but avancé était de parvenir à une bonne gouvernance, ont échoué. Les occupants s’estimaient au-dessus de toute erreur et ont refusé d’assumer responsabilité pour leurs faux pas. A l’origine d’une épouvantable épidémie de choléra suite au déversement plus économique de matières fécales dans le fleuve Artibonite, l’ONU n’a présenté aucune excuse formelle voire de compenser d’une quelconque manière les victimes. 

Toutefois, un faux débat est entretenu sur les causes de la situation épouvantable d’Haïti et sur la manière d’en sortir. Généralement, il y a quatre lignes de pensée, ou de combat : le «blanc»1 est responsable ; les Haïtiens sont responsables ; les catastrophes, naturelles ou causées par l’homme, sont responsables. Tous les éléments ci-dessus sont responsables à des degrés divers. 

Je voudrais souligner deux catastrophes causées par l’homme, en quelque sorte négligées, qui sont parmi les raisons les plus IMPORTANTES de la méga calamité nationale actuelle : l’embargo et la fuite des cerveaux

(Les catastrophes naturelles avec leur capacité de destruction illimitée ont des effets immédiats d’une autre nature que ceux discutés ici, et réclament, aussi, l’attention urgente de la nation.) 

L’EMBARGO – L’embargo « total-capital-intégral » de trois ans imposé par le décret 12779 du président américain George Bush signé le 30 octobre 1991, a détruit notre production nationale dans tous les départements géographiques du pays, et dans toutes les activités de production imaginables, mis des millions de personnes au chômage et décapitalisé les entrepreneurs Haïtiens. Trente-deux ans plus tard, la production nationale, tant pour la consommation locale que pour l’exportation, ne s’est pas redressée ! Le chômage élevé et durable qui en résulte a créé un nouveau groupe de « laissés pour compte » facilement attirés par les activités illégales. Aucune action n’a été engagée ni par le gouvernement, ni par le secteur privé, ni par la communauté internationale qui l’avait décrété, pour s’attaquer à ses effets déplorables. 

Alors que ces effets de l’embargo persistent, les chômeurs sont un terrain fertile pour les recruteurs de gangs, et l’absence de production nationale est la principale raison de la dévaluation de la gourde et de l’inflation incontrôlée. 

LA FUITE DES CERVEAUX – Ici, nous avons deux mouvements différents : l’EXODE de nos intellectuels et travailleurs, et les DÉPARTS VOLONTAIRES. 

1) Pendant l’EXODE, des centaines de milliers d’Haïtiens ont été expédiés, de gré ou de force, vers d’autres pays (Panama, Cuba, République dominicaine, et autres) pour effectuer des travaux physiques pénibles que les indigènes refusaient de faire. Construction du canal de Panama à partir de 1882, coupe de la canne à sucre à Cuba et en République dominicaine à partir de 1919, cet exode sporadique s’est terminé au milieu des années 1980 avec le dernier « zafra », ou recrutement de coupeurs de canne haïtiens par la République dominicaine, représentant plus de 800 000 descendants de coupeurs de canne vivant en RD aujourd’hui, et des nombres inconnus au Panama, à Cuba et ailleurs. 

2) Les DÉPARTS VOLONTAIRES forcés ou encouragés des intellectuels pour des raisons économiques, politiques, de sécurité ou de qualité de vie ont commencé en 1946. 

[ATTENTION : la décision d’un citoyen de partir et de rester hors de son pays ne peut être contestée et doit être respectée] 

Ils se sont intensifiés à la fin des années 1950 et sont devenus systématiques, principalement vers le Canada et le Congo belge, dans les années 1960. Huit cents professeurs, technocrates professionnels et leurs familles sont allés contribuer au développement de l’Afrique via un programme de l’ONU au début des années 1960. Les médecins, les infirmières, les professeurs et les enseignants, vigoureusement recrutés, ont largement contribué au développement des structures de santé et d’éducation et à la sécurisation de la langue française dans la province de Québec au Canada. Le phénomène des boat people a rapidement vu des cohortes de personnes tenter de rejoindre la Floride par la mer, 8 % d’entre elles se noyant en cours de route. De grandes villes américaines comme New York, Boston, Miami, Chicago, Los Angeles ont rapidement eu des « colonies » haïtiennes. Le mouvement, qui ne s’est jamais arrêté, a vu son flux exploser à chaque crise, qu’elle fut de cause naturelle ou d’origine humaine, avec l’un des niveaux les plus élevés aujourd’hui même. 

Au fil des ans, les Haïtiens qui ont quitté Haïti ont largement contribué au développement des sociétés où ils se sont installés. Des maires, chefs de partis, ministres, « porte-parole » de président, à Immortel à l’Académie française ; des chauffeurs de taxi, des ouvriers du bâtiment, des employés de l’industrie, des athlètes et musiciens professionnels, des ingénieurs, des capitaines d’industrie, des infirmières, des médecins, des professeurs, et autres : les Haïtiens ont payé leur dû à leur société adoptive en tant qu’individus fiables, performants et respectueux des lois. Ainsi, les pays où ils ont atterri ont bénéficié d’un flux de professionnels « fait et fourni« , tout en ayant le choix des meilleurs grâce à leur sélection des demandeurs de visa. Pendant deux ans au tournant du siècle, le Canada et les États-Unis accordaient chacun 20 000 visas, chaque année, à des Haïtiens : 80 000 émigrants légaux sélectionnés en deux ans. 

La médaille a un revers : la diaspora Haïtienne disséminée aujourd’hui dans le monde, est le résultat de la FUITE DES CERVEAUX d’Haïti et comprend au moins 85% de tous les Haïtiens titulaires d’un diplôme. Les moins de 15% encore en Haïti ne peuvent pas porter la charge d’une bonne gouvernance du pays. 

Là se dresse LE DÉFI. Ces deux catastrophes causées par l’homme, le chômage tragique et l’inflation d’un côté, l’épuisement de la « matière grise » d’Haïti de l’autre, sont les causes palpables de la situation que nous vivons aujourd’hui en Haïti et identifient les deux fondements de la reconstruction vitale d’Haïti : 

1)la création intensive d’emplois,

2)la création d’un environnement qui incite les Haïtiens à rester chez eux et à rentrer chez eux.

La solution à TOUTES LES AUTRES PRIORITES en dépend, à court et à long terme, pour atteindre notre objectif commun et ultime :  

HAITI CHERIE, UN PAYS OU IL FAIT BON VIVRE, POUR TOUS ! 2 

(…pi bel Peyi pase ou nan pwen…) 


1 Â« Blanc » en créole Haïtien = tout citoyen d’un pays autre qu’Haïti, quelle que soit la couleur de peau.  

2 Inspiré de la chanson patriotique du Cayen Othello Bayard : Haïti Chérie, 1925.